Chitzen itza au cœur du Yucatán : voyager jusqu’à la pyramide de Kukulcán
Qu’est-ce qui pousse voyageurs et historiens à guetter une ombre glissant le long des marches d’une pyramide antique ? Chitzen itza, cité maya inscrite au patrimoine mondial, orchestre chaque année une illusion solaire qui défie le temps et rappelle la précision astronomique de ses bâtisseurs.
Parcourir la route bordée de ceibas entre Valladolid et Pisté revient à traverser un paysage karstique parsemé de petits villages yucatèques. Les collectivos quittent très tôt la gare routière, et les autobus plus confortables rejoignent le site en moins de deux heures depuis Mérida. D’autres curieux arrivent depuis la Riviera Maya après une excursion à Chitzen itza combinée avec un cenote voisin, profitant d’un lever de soleil encore léger sur la jungle. À l’entrée, la silhouette massive de la pyramide de Kukulcán, haute d’environ trente mètres, domine déjà la vaste esplanade.
Quand le regard s’élève vers ses quatre escaliers, un détail frappe : quatre-vingt-dix-un marches sur chaque face et la plateforme sommitale composent les trois cent soixante-cinq jours du cycle solaire. Cette arithmétique architecturale s’étend à toute la cité ; chaque terrasse, chaque angle, chaque ornement répond à une observation céleste soigneusement intégrée dans la pierre.
Sous les marches, le serpent céleste se réveille aux équinoxes
Les chroniqueurs espagnols rapportaient déjà le récit d’un serpent lumineux ondulant sur la façade nord de la pyramide. Aujourd’hui, aux alentours du 20 mars et du 22 septembre, un jeu d’ombre et de lumière reconstitue la descente de Kukulcán : sept triangles d’ombre se forment successivement jusqu’à rejoindre la tête sculptée du reptile au pied de l’escalier. La mise en scène, visible deux à trois heures avant le coucher du soleil, illustre le retour du dieu-serpent venu bénir les semailles puis la récolte.
Cette vision n’est pas réservée aux seuls photographes ; elle se produit même lorsque le ciel reste voilé, tant que la clarté perce l’horizon ouest. Le silence qui saisit la foule lorsque la queue imaginaire rejoint la tête en pierre donne la mesure de l’habileté des astronomes mayas. Le monument matérialise un calendrier solaire mais signale aussi la connexion des hommes à l’invisible par une performance visuelle qui n’a rien perdu de sa force. D’année en année, l’événement attire près de vingt-cinq mille observateurs, rappelant que l’héritage scientifique maya résonne toujours. Une bonne raison de découvrir cette septième merveille du monde lors de votre excursion à Chitzen itza !
Cenote sacré et grand terrain de jeu de balle : échos d’un passé cérémoniel
À trois cents mètres au nord de la pyramide, la jungle s’ouvre brusquement sur un gouffre circulaire rempli d’eau vert émeraude. Le cenote sacré atteint deux cent mètres de diamètre d’est en ouest et près de trente de profondeur. Des recherches subaquatiques ont mis au jour des parures en or et obsidienne, témoins d’offrandes réalisées pour obtenir la faveur du dieu de la pluie, Chaac. L’atmosphère y demeure étonnamment calme, comme si les parois calcaires absorbaient les bruits du monde.
En regagnant l’esplanade, l’œil est attiré par les murs imposants du grand terrain de jeu de balle, long de plus de cent soixante-huit mètres. Un simple claquement de mains révèle l’acoustique parfaite : l’écho rebondit sept fois avant de s’éteindre, prouesse encore inexplicable. Le public prenait place sur les gradins extérieurs pour assister à un rituel sportif où l’honneur et le cosmologique se mêlaient. Plus au sud-ouest, le Caracol, observatoire cylindrique, dresse sa coupole ébréchée au-dessus des arbustes. Les fenêtres étroites cadrent des positions précises de Vénus et du Soleil, confirmant que Chitzen itza fonctionnait comme un gigantesque laboratoire céleste autant que comme un centre politique.
Chitzen itza : l’énigme du temps gravée dans la pierre
Quitter la place principale au crépuscule, lorsque la lumière pastel embrase la roche calcaire, laisse une impression de voyage suspendu. Le chemin de sortie traverse des bosquets d’arbres flamboyants où résonnent les cris rauques des motmots, puis se perd parmi les étals d’artisans yucatèques. Chitzen itza, site vibrant depuis plus de mille ans, continue de dévoiler son message : l’univers est un grand cadran, et un serpent lumineux suffit à rappeler la cadence subtile des saisons.